La société procure de si nombreuses occasions de marronner, comme on dit sur la Canebière, qu’il est parfois difficile de rester zen. Je pense notamment à ceux et celles qui subissent les innombrables démarchages, à la fois au téléphone et à leur porte. Pour ce qui me concerne, j’ai réglé le problème avec le téléphone grâce à la conjugaison de deux boucliers redoutables : le blacklistage (liste noire) et le répondeur. Le blacklistage consiste à bloquer les numéros grâce à un service proposé par le fournisseur d’accès à internet. Il arrive que certains petits malins passent outre parce qu’ils sont nouveaux ou parce que seuls les deux derniers chiffres du numéro banni changent. Dans ce cas, le répondeur prend le relais. J’attends d’entendre la voix du correspondant pour décrocher. Souvent il ne laisse aucun message et quand il s’agit d’un message de démarchage, je l’efface aussitôt.
Le démarchage au porte à porte est une plaie à laquelle sont confrontés quotidiennement les propriétaires et les locataires résidant en lotissements, en appartements ou en maisons de ville. Plus rarement les châteaux, bastides et manoirs. Et ceci à toute heure du jour, voire du soir. Pour beaucoup de citoyens, démarcheur est synonyme de casse-bonbons, de casse-pieds, de casse-burnes, d’emmerdeur, de pot de colle, de mouche à merde. En effet, qui peut bien accueillir à bras ouverts les allumés de Jéhovah venus apporter la bonne parole ? Qui peut faire entrer chez lui le rapace immobilier qui propose une estimation gratuite de son « bien ». J’envie parfois ceux qui habitent dans des endroits isolés, au fin fond des villages de montagne, ou dans d'immenses propriétés dont l'accès est situé loin de l’habitation. Ils ne sont jamais enquiquinés par les démarcheurs.
Voici un échantillon des indésirables que j’ai vu défiler à ma porte, certains revenant régulièrement à la rescousse :
Concernant les vendeurs de calendriers, je ne prends pas celui des éboueurs. Pour quelle raison donnerais-je de l'argent à ceux qui touchent un salaire, même si le travail est ingrat, il est des professions bien plus pénibles. D'autre part, le fisc prélève (à ceux qui paient la taxe foncière) une somme assez conséquente pour le ramassage des ordures ménagères. En revanche, je ferais preuve de flagrante avarice en refusant le calendrier au pompier qui sonne à ma porte. On ne sait jamais, si je faisais un malaise cardiaque ou si mon quartier sombrait dans les affres d'un séisme de magnitude 9, je serais bien content qu'avec ses potes, il vienne me tirer d'embarras. Un pompier, c'est un genre de soldat, c'est noble et vertueux, c'est un chevalier, ça fait pinpon et ça vole au secours de la veuve et de l'orphelin. Faut pas déconner. Alors je leur achète leur calendrier même si je n'en ai rien à secouer car de nos jours, qui ne possède pas déjà un calendrier sur son smartphone ? Quant au calendrier des Postes, c’est une institution qui remonte à l’enfance. C’est plus qu’un simple calendrier car il rassemble beaucoup d’informations pratiques ainsi que des cartes des villes locales. Il fait même l’objet de nombreuses collections. C’est le seul calendrier que je réclame à son démarcheur, c’est-à-dire au facteur.
Qui attend qu’un démarcheur lui propose un service qu’il n’est pas capable de chercher lui-même par ailleurs. Et surtout qui va acheter quelque chose à un inconnu qui frappe à la porte. En d’autres termes, existe-t-il des gens qui se font pigeonner aussi docilement par le premier venu. Quand un emmerdeur sonne chez moi, son baratin commence toujours par « je travaille chez votre voisin. » Déjà, le mec, il me prend pour un bleu. Ensuite, il me demande si j'ai bien reçu l'information qu'il a distribué dans les boites aux lettres en oubliant (volontairement) d'en préciser l'objet, pensant que je vais à mon tour poser la question qu'il attend que je pose : « à quel sujet ? » Ce qui aurait pour effet de relancer la machine à blablas comme on lance un disque dans un jukebox après avoir glissé une pièce dans la fente. Eh ben non, je n'en demande pas le sujet parce que c'est un piège à cons vu qu'il n'a rien distribué du tout. Au contraire, le gonze, je le désarme par un bobard en réponse à son bobard : « Oui, je l'ai reçue et ça ne m'intéresse pas, au revoir. » Je m'en bats lec. Niqué qui croyait niquer !
Sauf exception ou par étourderie, je ne réponds pas aux questions des démarcheurs, d'une part, rien ne m'y oblige, d'autre part, ils n'ont pas à savoir ce que je fais, où je vais, ni ce que je pense. Je pourrais être désagréable avec eux mais je reste courtois car la plupart du temps, ce sont des personnes sympathiques et souriantes. Ce n’est pourtant pas l’envie qui me manque de les envoyer balader. En revanche, quand ils insistent, je leur ferme la porte au nez, ça les calme. Une anecdote à ce sujet : à l’époque où je décrochais mon téléphone, une greluche me propose je ne sais plus quel service à la con, très poliment je lui réponds : « non, merci ». Aussi sec, la voilà qui monte sur ses grands chevaux et qui m’engueule : « Pourquoi vous me dites merci ? Merci de quoi ? Je ne vous ai rien vendu ! » Ce à quoi je réplique : « je vous ai dit merci parce que je suis poli, j'aurais pu vous dire un autre mot de cinq lettres qui commence de la même façon. Au revoir ! » et je lui raccroche au nez. Manque pas d’air, celle-là !
Pour illustrer la perfidie du démarchage à domicile, voici un extrait du film L’entourloupe (1980) dans lequel un escroc professionnel donne une leçon de vente à ses acolytes. Comme il le précise : « Le plaisir d'un vrai vendeur, c'est de vendre à des gens qui n'ont absolument pas besoin de ce qu'on leur propose ou qui n'ont pas de quoi se le payer. Quand ces deux cas sont réunis, alors c'est là que le sport commence. » Jean-Pierre Marielle illustre à la perfection une approche très réaliste du comportement des démarcheurs, qui, au-delà de leur activité de vente ont à l’esprit d’extorquer, non pas leurs clients potentiels mais leurs victimes.
« …vous allez demander son nom et son prénom à la victime, elle va signer. »